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Parlons cancoillotte

 
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Jacques Bergelin



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MessagePosté le: Jeu Sep 03, 2009 6:54 pm    Sujet du message: Parlons cancoillotte Répondre en citant

Parlons cancoillotte

Prendre du lait caillé, le faire cuire dans son petit lait jusqu'à ce que ce caillé s'émiette sous le doigt. Ensuite, le presser et le laisser égoutter jusqu'à disparition totale du liquide. Vous aurez alors ce qu'en Franche-Comté on appelle le "metton".
Après avoir égoutté ce metton, le mettre dans un récipient en faïence avec un couvercle dessus et le laisser fermenter en le remuant plusieurs fois par jour. Il est nécessaire que le récipient soit placé dans un local assez chaud et de température constante, de façon que la fermentation se fasse régulièrement.
Elle doit être arrêtée quand le metton a pris une coloration jaune.
Mettre ensuite dans une casserole un bon morceau de beurre (75 g environ par livre de metton); faire fondre sur feu doux en ajoutant le metton; remuer constamment jusqu'à fonte complète en ajoutant progressivement de l'eau tiède.
Verser ensuite dans des bols et on aura la délicieuse cancoillotte qui peut se manger chaude ou froide selon le goût ».

Recette ancienne.
Le lait fut alors placé dans des rondots, sorte de seilles plates cerclées d’épicéa et portant ou non des anses.
Le lait reposant dans ces larges récipients, la crème, lentement, montait à la surface. Cette crème, qu’en patois les gens appelaient le pardessus, était délicatement retirée avec des poches à écrémer qui étaient des espèces d’écumoires en cuivre, ou en fer blanc percées de trous. Souvent on récupérait de la même façon ce qu’on appelait le recouraton qui est la seconde crème qui se forme sur le lait reposé.
La crème retirée aussi complètement que possible, le lait écrémé restant dans la terrine était abandonné à une acidification naturelle. Pour activer cette acidification naturelle, on plaçait le lait dans un lieu à température élevée, 20 à 30 °. C’était autrefois un coin de l’âtre, plus tard le coin du fourneau. La coagulation étant obtenue, on employait des procédés différents selon la quantité à traiter.
Si on avait peu de caillé, on le plaçait dans un linge pendant en sac à une potence quelconque. C’était souvent l’espagnolette de la fenêtre de l’outau au-dessus de l’évier. Le sérum s’égouttait et le caillé faisait un bloc.
Si on avait une certaine quantité de caillé coagulé, on le déposait dans une bassine de terre que l’on faisait chauffer au bain-marie, à une température variant de 60 à 80 °. Le caillé se rétracte sur lui-même et finit par se purger de son petit lait. On l’enveloppe alors dans une toile pour qu’il continue de s’égoutter, mais dans tous les cas, il faut le soumettre à une certaine pression pour obtenir un égouttage total et avoir un metton blanc et sec.
Chaque ferme, ou presque, possédait un pressoir spécial dit pressoir à metton ‘. Ce pressoir était composé d’un bâti de bois portant un coffre carré en bois, s’ouvrant d’un côté. Le coffre reposait sur un plancher formant égouttoir. Deux tiges de bois encastrées sur le bâti de chaque côté du coffre portaient une solide entretoise traversée par une grande vis de fer, manœuvrées par une signole de bois ou de fer.

Le bloc de caillé était placé dans le coffre, la vis appuyait sur une planche aux dimensions intérieures du coffre, la pression éliminait toute humidité. On levait la vis, on ouvrait le coffre et on sortait un bloc cubique de metton blanc et sec.
C’était sous cette forme que les femmes vendaient le metton, au marché du bourg voisin. Pour le transformer en cancoillotte, il devait subir un affinage.
Affinage du metton
Les pains de metton blanc devaient être émiettés. Ils étaient émiettés à la main, dans une terrine quand il y en avait un ou deux ; quand il y en avait plusieurs, ils étaient broyés dans une râpe à metton spéciale. De telles râpes existaient dans certains ménages. Une râpe était une sorte de moulin en bois, le metton passait dans une tôle perforée dans laquelle il était réduit en miettes.
Émietté à la main ou à la râpe, le metton était placé dans une terrine et recouvert d’un linge et d’une couverture, car il devait être gardé au chaud plusieurs jours. On plaçait donc la terrine dans un coin de l’âtre, plus tard près du fourneau à quatre trous, plus tard encore, dans l’étuve de la cuisinière moderne. Une abondante littérature affirme même que pour obtenir la température idoine, on plaçait la terrine de metton sous le plumon de la ménagère.
Cet affinage du metton - on disait aussi son « mûrissement », voire son « pourrissement » - durait plusieurs jours.
On disait en patois : (il faut le remuer jusqu’à ce qu’il soit pourri). On reconnaissait qu’il était à point à l’œil, au doigt et au nez.
A l’œil, il doit avoir une couleur jaune doré, s’il a des reflets légèrement verdâtres, c’est signe qu’il est « pourri » à point. Au doigt, il doit être élastique et au nez, à l’odorat, il doit dégager une odeur caractéristique et forte de fermentation qui pratiquement, à ce stade, interdit de le goûter pour l’apprécier, on ne peut apprécier vraiment, que la cancoillotte terminée.
Des recettes, on vous en donnera dans un chapitre spécial ; pour l’instant, résumons : dans une casserole, mettre en volume la moitié en eau du metton doré, et bien à point, chauffer toute doucement, faire fondre en remuant avec une cuillère de bois, ajouter si besoin est un peu d’eau, le beurre et les assaisonnements, porter à l’ébullition quelques minutes et verser dans des bols. Vous devez avoir une bonne cancoillotte.

DES TÉMOIGNAGES
A ma manière, je vous ai dit ce qu’était la fabrication du metton dans la laiterie familiale, ce qu’était aussi son affinage. Avant de vous parler de la fabrication du beurre dans cette même laiterie, je crois utile de mieux vous éclairer par quelques témoignages sur la fabrication de la cancoillotte.
Et d’abord, le témoignage d’un poète : Charles Thuriet. J’avoue avoir un faible pour Charles Thuriet. Il est né à Baume-les-Dames, c’est-à-dire à ma porte et pendant huit ans, de 1869 à 1877, il a été juge de paix à Rougemont. Son « Étude historique sur le bourg de Rougemont » est la première histoire de mon village natal. Il est enfin et surtout, le Comtois qui a, le premier et sans doute le mieux, exploré les légendes, les traditions populaires de Franche-Comté. Et c’est à Rougemont, nous dit son neveu Maurice Thuriet, « que Charles Thuriet commença à recueillir au prix d’un long et persévérant labeur et de patientes recherches, les traditions populaires de Franche-Comté ».
Rien d’étonnant donc que cet authentique Comtois ait chanté la cancoillotte.
Je reproduis pour vous ici son poème, tel qu’il a paru dans la revue « Les Gaudes » du 16 février 1897.

COMMENT ON FAIT LA CANCOILLOTTE
Aux amateurs nombreux parmi les mangeurs de Gaudes


Un poète en sa jeune ardeur,
Pour peindre les plus belles choses,
Sait composer, avec candeur,
Des vers aussi vrais que les roses.
Mais vous voulez qu’à ce moment,
Où déjà la muse grelotte
Je chante poétiquement
L’art de faire la cancoillotte.

J’obéis, et vais de mon mieux
Dire comment la ménagère
Nous prépare ce mets des Dieux,
Qu’on nomme aussi la fromagère.
Dans un beau linge clair maillé,
Avec amour on emmaillote
Un gros amas de lait caillé
Principe de la cancoillotte.

A l’évier, laisser suspendu
A quelque clou, pour qu’il s’égoutte
Deux ou trois jours, ce résidu
Dont l’aspect déjà vous ragoûte.
Dans un vase non loin du feu,
A l’abri du chat, l’on dépote
Le Blanc produit qui va sous peu
Se transformer en cancoillotte.

Sans trop vous impatienter
Attendez que dame nature
Ait fait doucement fermenter
La savoureuse moisissure.
Émiettez-la de temps en temps
Et quand chaque petite motte
Jaunit comme le blé des champs
Faites cuire la cancoillotte.

Dernière préparation
Qu’on doit opérer, juste à l’heure
Mêlez avec discrétion
En tournant, lait, sel, poivre et beurre.
Par le feu quand tout est fondu
Et que plus un grumeau ne flotte,
Versez chaud votre contenu,
Vous aurez fait la cancoillotte.

Heureux le vigneron d’Arbois,
Ou de Besançon non moins digne
Qui, dans de gros sabots de bois,
Dès le matin part pour la vigne.
S’il peut, en prenant son outil,
Cacher dans le fond de sa hotte
Avec la miche et le barril
Un joli bol de cancoillotte.


Charles Thuriet
Janvier 1897
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